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L'occupation de l'espace dans un café parisien



La difficulté à penser, composer, écrire, étudier, lire ou travailler chez soi en dit beaucoup sur son rapport au foyer,  à sa vie et son espace personnel.

La nécessité de trouver un lieu de vie comportant suffisamment de calme et d'intimité sans pour autant virer dans le confinement, me pousse ailleurs que dans des bibliothèques où l'on n'est jamais à l'abri d'un éclat d'écoliers, étudiants évacuant leurs stress ou événements culturels divers. C'est que toutes ces bibliothèques sont devenues des lieux de représentations de conteurs, musiciens ou autres représentants, qui rentrent parfois en conflit avec l'usager traditionnel, en occupant l'espace. Il faut alors se rabattre sur autre chose.

Le café devient une stratégie. Mais lequel ? Étudier les configurations, les allées et venues, le bruit potentiel...

Le bistrot s'est transformé en un lieu de placement de plus en plus précoce des nappes blanches pour les déjeuners ou dîners, les buveurs tranquilles repoussés vers des îlots souvent enfumés avec la mauvaise grâce des augustes qui y travaillent. 

La musique s'y est généralisée d'ailleurs, et parfois avec une puissance qui force la concentration et méditation à se taire. Autrefois j'avais comparé le café parisien avec les onsens japonais pour ce qui est de la possibilité de se ressourcer. A présent je me donnerais tort.

Le lieu. Le Lieu. Le Lieu. Trouver son espace, cela devient une obsession et seules diverses expériences réitérées m'ont permis de trouver quelques places relativement calmes.


*****



Il y a d'abord le bar-tabac du coin, fréquenté les week-end et jours de congés. C'est un paradoxe de société, mais l'intérieur reste non-fumeur et tant mieux. L'absence de restauration (tout au plus quelques croissants ou baguettes de confort au bon vouloir de la tête du client, semble-t-il) attire beaucoup de déconvenues des ventres à remplir, qui s'en vont, laissant aux consommateurs habituels l'espace dont ils ont besoin.

La chaîne des informations allumée pour les clients n'agresse pas autant que les musiques des concurrents et la rude amabilité du patron chinois se met au service de cette rapidité du service. 

Bref, on y vient pour boire, et/ou acheter des clopes et au final y être tranquille.

Je fais toujours un signe au patron avant de me placer sur le bord d'une des banquettes en sky rouge défoncées. Elles ont le mérite de permettre la position assise pendant longtemps pour une personne très mince et peu "rembourrée" naturellement. 

Quelques instants plus tard il me pose un allongé. Nous échangeons à peine quelques mots. Il garde sa gouaille pour les clopeurs et buveurs invétérés de soupe de houblon gazéifiée. 

Je me souviens toutefois de sa femme qui un jour me demande si c'est du chinois que j'étudie. Quand je fais non de la tête et répond du japonais, elle présente une moue dubitative. Il y a bien les caractères pourtant.

J'aime regarder en face, même de loin le passage des rues. Quasiment dans l'axe d'une colonne Morris tournante présentant deux ou trois films en alternative à l'ennui.

A ma droite trois vieux kabyles au sourire communicatif viennent à heures fixes s'installer, prendre un express et discuter de langues et d'ailleurs.

Parmi les habitués, "l'écrivain" qui noircit des pages de carnets, évolue toujours face aux fenêtres. Il pose parfois son Mont Blanc pour lire un livre. Je repère un jour un recueil de haïkus. Mal traduits. Mais je suis de toute façon bien loin pour engager la conversation par inadvertance.

Et je préfère me réfugier dans mes lignes de japonais ou bien dans cette correspondance entre Nicolas Bouvier et Thierry Vernet


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