Accéder au contenu principal

Lettre ouverte à vous, madame, propriétaire de plusieurs appartements dans la ville de C


"Chère madame,

C'est avec tristesse que je viens de recevoir votre message téléphonique nous annonçant que notre dossier n'était pas retenu pour ce logement.

Avant tout je loue votre politesse élémentaire, quand certains propriétaires ne rappellent même pas les personnes avec qui ils ont fait la visite de l'appartement.

Je vous remercie également pour votre accueil et le temps très bref que vous nous avez accordé pour cette visite en question - certains propriétaires ne se déplacent pas, et d'autres laissent le locataire en place s'en occuper.

Je dois vous avouer que les raisons de votre refus ci-dessous m'ont donné matière à réflexion :

"Je suis désolé, vous m'apparaissiez comme des gens sérieux et bien mis, mais nous avons loué à une fille. Mon mari pense que louer à une jeune fille seule c'est mieux pour un appartement car les filles sont plus propres. 

Et il ne veut pas louer à un couple car ils peuvent avoir un bébé et on ne veut pas changer tous les ans de locataires."

Mais d'abord, ne vous en faites pas, je n'irais pas déposer le message si aimablement laissé sur ma boite vocale et votre annonce de logement auprès de la Halde, laquelle - si elle lutte notamment contre les discriminations envers les sexes en matière de logement - doit être débordée et a fort à faire dans notre beau pays. D'autre part nous n'avons pas de temps à perdre : nous cherchons encore.

Je m'étonne de vos propos sexistes et irrationnels envers les hommes, leur attribuant par nature un côté moins soigné. Je m'étonne de ce discours de soumission à votre mari dont la parole et les préjugés ont vraisemblablement force de loi.

Je m'étonne de l'irrationalité de cette idée qu'une jeune fille seule n'aura peut-être pas un(e) copain(e) à un moment ou à un autre qui viendra s'installer chez elle (et le bébé viendra peut être plus vite que l'on ne pense).
 
Je m'étonne de l'irrationalité de ces propos sur les couples : nous tournons autour de la 40aine... Je sais que l'on fait des miracles avec la médecine. et que bientôt on pourra se cloner avec des chimpanzés ou vélociraptors, mais quand même...

Mais en fait, je ne m'étonne pas. Je sais que nous vivons dans un monde moderne bien dangereux avec des lendemains qui déchantent. Je sais que la discrimination va de pair avec une irrationalité et déshonore l'intelligence des êtres humains. 

Je vois cette bêtise s'incarner également dans le cadre d'une famille éduquée disposant d'un patrimoine certain.

Que dire de plus madame ? Vous incarnez sans aucun doute votre époque.

Veuillez recevoir l'expression de mes froides salutations.

Eeto, juillet 2015 "

Commentaires

  1. Situation pathétique, très bien écrit.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci. Il ne reste plus qu'à dépasser cette persistance de frustration et et sentiment de classe sociale.

      Vivre autre chose.

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Août se cherche un peu

Ainsi s'achève...  FIN Ces lettres ont cette saveur de l'éphémère joie d'un accomplissement de fin d'été.   夏の果 marque pour moi cette apogée imaginaire du basculement dans un autre univers.  L'été à Paris, lui, est à apprivoiser, tant ses pics de chaleurs sont de plus en plus redoutés dans des logements mal adaptés... Dormir à plus de 30 degrés cela épuise.  La chance fut sans doute la venue de quelques vagues de fraicheurs brisant la monotonie calorifère . Cet été parisien offre  pourtant des opportunités et promesses de  motivations pour des activités souvent inabouties le reste de l'année : ici une lecture de roman, là un développement photos... Et puis, profitant de l'absence d'activités extra-professionnelles pendant deux mois, j'ai décidé de me remettre à écrire des nouvelles. L'envie était revenue il y a quelques mois, à l'occasion d'un voyage au Japon, avec une interrogation : où écrire à Tokyo ?  L'autre jour K me conseillait

Comme hier

Je me suis rendu compte il y a longtemps que ma plume ne s'épanouissait que dans la mélancolie. Et bien loin de l'orbite des famines  à vouloir conquérir le monde, n'en déplaise à Raymond. Encore aujourd'hui comme hier... Nous filions dans la nuit avec pour image rémanente cette scène de traversée capitale, et dans un ton dramatique, nous tentions d'atteindre une ligne de fuite dépourvue de couleurs, entre obscurité de black-out et l'étourdissement de néons d'enseignes à l'éclat vif, encore ouvertes. Ici gisaient, évocateurs, les souvenirs ici d'un photographe de baiser, là d'un directeur lumière de la bête, enchantant le monde que nous fréquentions. À présent nous louvoyons sur nos espace imparti, les remplissant de stratégies d'évitement. Sera-ce si bien demain et encore mieux après ?

Tombe 7 fois, relève toi 8

七 転び 八 起き - nana korobi ya oki - Tombe 7 fois, relève toi 8... Ce proverbe japonais parfois considérée comme un équivalent de "Les échecs conduisent au succès" comporte toutefois une nuance de taille : le succès final n'est pas envisagé et les échecs non considérés comme matière à enseignement. Pour moi il pointe la nécessité de se relever et continuer à faire face aux nouvelles épreuves qui vont nous arriver. Se relever c'est continuer à vivre. Je crois que l'on ne s'habitue vraiment jamais aux échecs. Le deuxième en matière professionnelle, après une nouvelle année de préparation. Tout ce temps investi induit forcément une grande dépense d'énergie, de fatigue physique et morale, de doutes.   J'ai choisi de prendre une pause jusqu'au nouvel an, avant de retourner sur le chemin des révisions le soir après le travail et le week end. Je lis, je vois beaucoup de films au cinéma. Je prends du temps pour moi et pour nous. Il est temps de rechar